Une Bretagne à B5+ ?

Alors que toute la presse et la classe politique commentent à longueur de pages les résultats d'élections cantonales qui n'ont pourtant qu'assez peu motivé les citoyens (é) lecteurs, Ouest-France publie aujourd'hui au fin fond de ses pages intérieures (dans ses éditions finistériennes en tout cas) un point de vue de Loeiz Laurent qui devrait faire réagir : il s'agit de la réunification de la Bretagne. La question est à nouveau d'actualité, depuis les déclarations du Président de la République tout récemment dans le Morbihan. Loeiz Laurent, pour sa part, vient de publier aux éditions L'Harmattan un livre intitulé "Petits départements et grandes régions. Proximité et stratégies" (que je n'ai ni vu ni lu), dans lequel il traite sans doute de ce sujet.
Pourquoi le point de vue de Loeiz Laurent ferait-il réagir ? D'abord parce qu'il accuse "Bretagne Réunie" d'être "défaitiste", alors qu'elle organise une nouvelle manifestation pour la réunification à Nantes le… 18 juin, dont L. Laurent rappelle qu'il est l'anniversaire d'un discours anti-défaitiste s'il en est.
Loeiz Laurent s'appuie sur une délibération du Conseil général de Loire-Atlantique en 2001 et sur un sondage de 2003 : une décennie plus tard, la délibération comme le sondage mériteraient toutefois d'être réactualisés. Ce qui intéresse l'auteur, c'est précisément l'hypothèse qu'avait suggérée le Conseil général de Loire-Atlantique cette année-là, à savoir que les cinq départements bretons soient "associés aux départements voisins qui le souhaiteraient." En faveur d'une telle éventualité, il avance des arguments concrets :
-    ni Rennes ni Nantes ne voudront perdre des milliers d'emplois administratifs
-    il ne faudrait surtout pas voir les deux villes "s'écharper" pour garder le siège de telle direction régionale ou de telle chambre consulaire
-    le pouvoir d'attraction de Paris va bientôt s'exercer jusqu'aux portes de Rennes et de Nantes… Or, écrit Loeiz Laurent, "il n'y a pas de place pour des régions tampons."
Il est convaincu que l'idée d'une "Bretagne Armorique" impliquant la fusion des deux régions actuelles va faire des adeptes, y compris en Pays de la Loire. On n'en serait donc plus ni à B4 ni à B5, mais à… B5+ ! Autrement dit, à B4+5 ou, si l'on préfère, à B5+4. Est-ce à dire qu'on aurait une super-région "Bretagne Armorique" fédérant deux régions, un peu comme la Corse et ses deux départements ?
Toujours est-il que Loeiz Laurent n'est pas trop inquiet pour les Bretons : "à qui fera-t-on croire [qu'ils] pourraient y perdre leur identité ?", demande-t-il. Mais il admet que "nos voisins" eux pourraient craindre d'être marginalisés. Si c'est en ces termes-là que l'idée leur est présentée, vont-ils être séduits ?
La question de la réunification de la Bretagne est décidément bien complexe. Ce point de vue à contre-courant rappelle en tout cas celui exprimé par le sociologue Gérard Prémel l'an dernier dans les colonnes du "Peuple Breton" (voir message du 4 juillet 2010).